Utamaro

Un article de Nezumi.

Kitagawa Utamaro (喜多川 歌麿, Kitagawa Utamaro, v. 1753 - 1806) ou simplement Utamaro est un peintre spécialiste de l'Ukiyo-e.

Biographie

Utamaro est particulièrement connu pour ses représentations de jolies femmes (bijin-ga), mais son œuvre comprend également de nombreuses scènes de nature et d'animaux.

Son travail parvint en Occident au XIXe siècle où il rencontra un grand succès. Il a particulièrement influencé les impressionnistes par ses cadrages audacieux et le graphisme de ses estampes. Il était alors connu sous le nom d'« Outamaro », transposition selon l'orthographe française de la prononciation de son nom. Il fut surnommé en 1891 par Edmond de Goncourt « le peintre des maisons vertes » (les maisons closes), même si un tiers seulement des très nombreuses estampes que l'on connait de lui furent en réalité consacrées au Yoshiwara.

Selon certaines sources, il serait né à Edo (aujourd'hui Tōkyō), Kyoto ou Osaka. Mais plusieurs sources affirment qu'il serait né à Kawagoe, province de Musachi. Il est l'élève du peintre Toriyama Sekien, alors qu'il était encore enfant. Il grandit dans la maison de Sekien, et leur relation se poursuivit jusqu'à la mort de celui-ci en 1788. Sekien avait été formé dans l'aristocratique école de peinture Kano, mais il s'orienta plus tard vers l'ukiyo-e, plus populaire.

Utamaro fut ensuite patronné par l'éditeur Tsutaya Jūzaburō, chez qui il résida à partir de 1782 ou 1783. Comme la plupart des éditeurs, Tsutaya Jūzaburō habitait aux portes du quartier du Yoshiwara, dont il contribuait en quelque sorte à assurer la promotion (courtisanes et acteurs de kabuki).

Utamaro, comme de nombreux artistes japonais de son temps, changea son nom à l'âge adulte, et pris le nom de Ichitaro Yusuke lorsqu'il prit de l'âge. Au total, il aurait eu plus de douze surnoms, noms de famille, ou pseudonymes.

Vers 1782 ou 1783, il s'en alla vivre chez le jeune éditeur Tsutaya Jūzaburō, alors en pleine ascension, chez lequel il résida apparemment cinq années. Pendant les années qui suivirent, la production d'estampes fut sporadique, car il produisit essentiellement des illustrations de livres de kyoka (littéralement « poésie folle »), parodie de la forme littéraire classique waka. Entre 1788 et 1791, il se consacra essentiellement à l'illustration de plusieurs remarquables livres sur la nature (insectes, oiseaux, coquillages...).

Vers 1791, Utamaro cessa de dessiner des estampes pour livres, et se concentra sur la réalisation de portraits de femmes, en plan serré, figurant seules dans l'estampe, contrairement aux portraits de femmes en groupe, qui avaient encore les faveurs de certains autres artistes de l'ukiyo-e. En 1793, il devint un artiste reconnu, et produisit alors une certain nombre de séries fameuses, toutes centrées sur les femmes du quartier réservé du Yoshiwara.

Le style d'Utamaro marque l'apogée de l'art traditionnel de l'ukiyo-e. Il su en effet porter l'art du portrait à son sommet, par de nombreux apports :

  • portraits visant à la ressemblance, malgré les conventions de l'art japonais,
  • visage « en gros plan », en buste (okubi-e) donnant à l'image un impact saisissant,
  • utilisation fréquente de fonds micacés (kira-e), donnant un aspect à la fois luxueux et sobre au portrait,
  • utilisation sans précédent du noir des chevelures féminines, dont la densité est augmentée par une double impression,
  • virtuosité extraordinaire du traitement des cheveux (un défi pour le graveur)...

Pendant longtemps, la notion de portrait n'exista pas dans l'estampe japonaise, en tous cas pas au sens où l'entend la peinture occidentale. En effet, la plupart des représentations humaines présentaient les personnages soit en groupe, soit, et c'était une constante des bijin-ga, individualisé, mais en pied. Ce n'est guère qu'en 1788-1789 que Katsukawa Shunkō réalisa une série de portraits d'acteurs de kabuki, représentés en buste. Utamaro reprit cette idée pour l'appliquer au genre bijin-ga, en publiant chez son éditeur Tsutaya Jūzaburō sa série Dix types d'études physiognomoniques de femmes (Fūjin sōgaku juttai), vers 1792-1793. Cette première série cependant, ne pouvait pas encore prétendre au portrait en gros plan, puisqu'il ne s'agissait que de portraits de femmes cadrés à mi-corps.

Ce n'est qu'un peu plus tard, et tout particulièrement avec sa série Anthologie poétique : section de l'Amour (Kazen koi no bu), publiée dès 1793-1794, qu'Utamaro conçoit véritablement ce qui restera l'archétype de l’okubi-e : les femmes ainsi représentées apparaissent en gros plan, ne montrant que la tête et les épaules, souvent sur un fonds micacé, pour produire ce qui demeurent une des formes les plus spectaculaires de l'ukiyo-e.

En 1804, au sommet de son succès, l'année même où il sortit l'Almanach illustré des Maisons Vertes, il dû faire face à de sérieux problèmes vis-à-vis de la censure, après avoir publié des estampes traitant d'un roman historique interdit. Ces estampes, intitulées La femme et les cinq concubines de Hideyoshi décrivait la femme et les cinq concubines de Toyotomi Hideyoshi, le grand chef de guerre du Japon à l'époque Momoyama. En conséquence, il fut accusé d'avoir porté atteinte à la dignité de Hideyoshi. En réalité, le shogun Ienari y vit une critique de sa propre vie dissolue. Quoi qu'il en soit, Utamaro fut condamné à être menotté pour 50 jours. Il ne put supporter le choc émotionnel de cette épreuve, et ses dernières estampes manquent de puissance. Il meurt en 1806.

Un de ses élèves les plus connu est Eishi

Œuvres

Parmi ses premières œuvres, il publie un livre sur Les insectes choisis (Ehon Mushi Erabi, de 1788), dont son maître Toriyama Sekien écrivait dans la préface :

« L'étude que vient de publier mon élève Utamaro reproduit la vie même du monde des insectes. C'est là la vraie peinture du cœur. Et quand je me souviens d'autrefois, je me rappelle que, dès l'enfance, le petit Uta observait le plus infini détail des choses. Ainsi, [...] quand il était dans le jardin, il se mettait en chasse des insectes et, que ce soit un criquet ou une sauterelle, [...] il gardait la bestiole dans sa main pour l'étudier. »

Utamaro est également l'auteur de deux œuvres très connues, le Livre des Oiseaux (Momo chidori kyōka awase, de 1791), et le livre intitulé Souvenirs de la marée basse (Shioho no tsuto, de 1790 environ) sur les coquillages et les algues abandonnés par la mer.

Il publie aussi une série de douze estampes sur l'élevage des vers à soie.

Les séries de bijin-ga

Utamaro réalisa de nombreuses séries d'estampes de jolies femmes et de courtisanes (bijin-ga), séries qui étaient autant d'occasions pour lui d'étudier tel ou tel aspect de son art, en étudiant de nouvelles possibilités. Parmi ses séries les plus célèbres, on peut noter :

  • Dix types d'études physiognomoniques de femmes (Fūjin sōgaku juttai) (1792-1793) ;
  • Les beautés célèbres de Edo (1792-1793) ;
  • Dix leçons apprises des femmes (1792-1793) ;
  • Anthologie poétique : section de l'Amour (Kasen koi no bu) (1793-1794) ;
  • Neige, lune et fleurs des maisons vertes (1793-1795) ;
  • Tableau des beautés suprêmes du jour présent (1794) ;
  • Six sélections de courtisanes et de saké (Natori-zake rokkasen) (1794) ;
  • Cinq couleurs d'encre du quartier Nord (Hokkoku goshiki-zumi) (1794-1795) ;
  • Douze heures des maisons vertes (Seiro jūni toki tsuzuki) (1794-1795) ;
  • Beautés en fleur du jour présent (1795-1797) ;
  • Tableau d'amants passionnés (1797-1798) ;
  • Huit vues de courtisanes au miroir (Yūkun kagami hakkei) (1798-1799) ;
  • Six paires zodiales dans le Monde Flottant (Ukiyo nanatsume awase) (1800-1801) ;
  • Dix formes de physionomie féminine (1802).

Ce sont là les plus connues. Mais il existe encore bien d'autres séries de bijin-ga moins connues, telles que :

  • Les six bras et les six vues de la rivière Tamagawa, représentées par des femmes ;
  • Femmes représentant les 53 stations du Tōkaidō ;
  • Les sept dieux du bonheur personnifiés par des femmes ;
  • Femmes représentant les quatre saisons... par des femmes ;

La légende de Yama-uba et de Kintarō

Vers la fin de sa vie, Utamaro réalisa une bonne cinquantaine d'estampes consacrées à la description de la légende de Yama-uba et Kintarō. Yama-uba, « la vieille femme des montagnes », sorte de sorcière des forêts profondes des montagnes du Japon, apprivoisée par l'amour maternel, et Kintarō, « le garçon d'or », incarnation enfantine du héros Sakata no Kintoki. Cette très longue série fut très populaire, et donna lieu à des estampes remarquables par leur force, le détail prodigieux de la chevelure de Yama-uba, le contraste entre la blancheur de sa peau et le teint hâlé du garçon.

Utamaro réalisa d'autres séries d'estampe mettant en scène des mères avec leur enfants. Ces séries, là aussi réalisées vers la fin de sa vie, ne sont pas totalement une nouveauté dans l'ukiyo-e; on en trouve en effet quelques exemples, en particulier chez Kiyonaga.

Sur ce thème, Utamaro réalisa également :

  • Les trois rieurs d'esprit enfantins (Kokei no sanshō) (vers 1802) ;
  • Comparaison élégante des petits trésors (Fūryū ko-dakara awase) (vers 1802) ;
  • Jeunes pousses : Sept Komachi (Futaba-gusa nana Komachi) (vers 1803).

Les triptyques

  • Les pêcheuses d'abalone (1797-1798), qui rivalise avec La vague d'Hokusai, pour le titre d'estampe la plus célèbre ;
  • La lande de Musashi (Musashino) (1798-1799), inspirée du Conte d'Ise, célèbre classique japonais ;
  • L'averse (Yoshida n° 311) ;
  • Nuit d'été sur la Sumida (Yoshida n° 41) ;
  • Vue de la plage de sept lieues, à Kamakura (Soshu Kamakura Sichiri-ga-hama Fukei) ;
  • L'atelier des célèbres estampes d'Edo (Eido Meibutsu Nishiki-e Kosaku), représentant l'atelier d'Utamaro avec des bijin en guise d'ouvrières.

Autres œuvres

Utamaro réalise de nombreuses œuvres érotiques, telles que son célèbre Livre sur l'oreiller, publié en 1788 (Ehon Utamakura), ou consacrées aux « Maisons vertes », en particulier L'Almanach illustré des maisons vertes (Seirō ehon nenjū gyōji), publié en 1804, l'année de son arrestation, et qui contribua à sa réputation en Occident.

Il réalise également des séries de shunga (estampes érotiques), telle que la série de douze estampes Prélude au désir (Negai no itoguchi).

Par ailleurs, il fit aussi des portraits d'acteurs de kabuki, ou bien des séries telles que Comparaison des vrais sentiments : sources d'amour, ou encore À travers les lunettes moralisatrices des parents.

Dans un tout autre domaine, Utamaro réalisa aussi quelques séries qui peuvent être considérées comme des annonces publicitaires

  • Six sélections de courtisanes et de sake (Natori-zake rokkasen) : chacune de ces estampes y assure la promotion d'une marque de sake, qui accompagne le portrait d'une courtisane ; le logo de la marque est affiché en gros sur un motif de baril de sake;
  • Dans le goût des motifs d'Izugura (Izugura shi-ire no moyô muki) : série de neuf estampes publiées vers 1804-1806, réalisées pour promouvoir de grande marques de magasins de textile (Matsuzakaya, Daimaru, Matsuya...), dont le logo apparait de façon ostensible.

Galerie

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Trois beautés de notre temps Estampe à fond micacé

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Yama-uba et Kintarō

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Deux beautés de notre temps

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Voyages : les merveilles du Japon; Les temples et des montagnes du Népal