Mère Afrique

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Mère Afrique est une œuvre de Hervé Télémaque, réalisée en 1982.

  • Collage, papiers découpés, objets, photographies et calques, 88x154 cm (1982)

Analyse

Le panneau a pour origine une photographie banale prise en Afrique du Sud. On y déchiffre avec un peu d'attention l'inscription de l'apartheid, le « white persons only » {pour les Blancs seulement) qui y règne encore en 1982 malgré la résistance de l'ANC et les condamnations internationales. En promenade, une mère, son landau et son chien passent devant l'écriteau.

Dans la moitié gauche, la photographie est renversée à 90' et reprise par un dessin qui découpe les volumes et durcit les contours. Les mots terribles demeurent lisibles. La photographie se déplace ainsi de la droite vers la gauche, devenant peinture. L'œuvre apparaît comme le produit complexe de plusieurs dédoublements et hybridations successives.

Télémaque n'ajoute que les taches couleur sang frais. Il reprend aussi le motif des jambes et des chaussures de la mère, possible symbole qu'il dissimule en partie parmi des formes elliptiques qui s'enchevêtrent.

Télémaque ajoute surtout des icônes de la négritude: Dès 1964 apparaît dans la peinture de Télémaque le tirailleur sénégalais « Y'a bon Banania », autrement dit le bon nègre selon la publicité et le racisme latent que l'on nomme paternalisme. D'autres caricatures prennent sa suite, dont celle du Noir américain vu par les comtes et les dessins animés, chapeau voyant, grosses lèvres rouges et rire puéril.

En citant ces stéréotypes, il rappelle qu'ils ont été souvent la règle et que le XXe siècle n'a pas fait exception. Parmi les mots biffés qui courent juste en dessous de ces têtes, on trouve « Haïti », le nom de son île natale.

En tête; à gauche, les mots bien lisibles qui sont aussi le titre de l'œuvre : « Mère Afrique ». Les mots sont choisis :ils renvoient à l'ascendance de l'artiste et, tout autant, à la thèse selon laquelle l'humanité est apparue quelque part du côté de la vallée de l'Omo. Dans le premier cas, la traite et l'esclavage sont des données essentielles, auxquelles renvoie la cravache fixée au centre de l'œuvre comme un symbole d'oppression. Dans le second, l'ironie se fait plus vaste : quel sens aurait le mépris du nègre chez des hommes dont les aïeux sont venus d'Afrique il y a des millénaires ? Il n'est pas anodin qu'un brun sombre serve à plusieurs endroits. Cette couleur s'appelle encore parfois "tête-de-nègre".

Voir aussi Les films d' Ann ; le cinéma de Nezumi; les Artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Voyages : les merveilles du Japon; Les temples et des montagnes du Népal