Keizô Kitajima

Un article de Nezumi.

Keizō Kitajima ( japonais : 北島 敬三, Kitajima Keizō) photographe japonais, né en 1954, à Suzaka (préfecture de Nagano)

Biographie

Photographe précoce, son adolescence est marquée par la découverte des travaux précurseurs de Nobuyoshi Araki et de Daidô Moriyama; sensible à la forme narrative très cinématographique du premier et à la critique acerbe de la société contemporaine du second, il revendiquera ces deux filiations. Il est l'élève de Daidô Moriyama à partir de 1975 à la Workshop Photo School, créée par Shômei Tômatsu. Ces années, dominées par la découverte du travail de nombreux .photographes occidentaux dont Eugène Atget, Weegee, William Klein et Andy Warhol, interviennent après une période de rupture durant laquelle sont publiés le magazine-manifeste Provoke (1968-1970), le livre de Takuma Nakahira, For a langage to Corne (1970) et celui de Daido Moriyama, Bye-Bye Photography (1972)

Au début des années soixante-dix, l'heure est à la dislocation du langage photographique pour exprimer une société japonaise traversée par de profonds mouvements de contestation (contre la guerre du Vietnam, contre la présence des bases américaines sur le sol japonais, contre la construction de l'aéroport de Narita, etc...). Privilégiant une vision fragmentée, totalement subjective, tendant vers la capture de l'expérience brute et vers « l'expression pure », l'écriture photographique devient alors fortement contrastée, floue, tremblée, se jouant des répétitions, des superpositions, des appropriations, des ratés.

A Okinawa, il traîne dans les quartiers chauds, à New York, au début des années 1980, dans les coins les plus dangereux de Harlem et de l’East Village, où il capte putes et mauvais garçons ou scènes d’arrestations. Il veut alors « entrer en contact avec quelque chose de toxique, prendre des photographies qui suinteraient le venin ». Il se fond dans la foule à Tokyo et aussi en Europe de l’Est pour proposer une vision fragmentée et subjective, faisant des photos de façon mécanique, appareil à la hanche. Son écriture photographique devient alors fortement contrastée, floue, tremblée, se jouant des répétitions, des superpositions, des appropriations, des ratés.

Keizo Kitajima et Seiji Kurata inaugurent en 1979 avec Daido Moriyama une nouvelle galerie indépendante, l’Image Shop CAMP, au n° 2 Chome street, dans le quartier de Shinjuku, à Tokyo. La recherche individuelle par ces photographes d’un nouveau mode d’inscription dans le monde prend le pas sur un questionnement collectif.

Tout le travail de Keizo Kitajima est hanté par une idée fixe : l'identité, ou plutôt son revers, que Kitajimà lui-même désigne sous le terme de un-identity. Chez lui, la question identitaire se pose quand elle mute, s'enrichit, se dissout, se confronte à une mécanique ou à ce qui la bouscule. En cadrant à la hanche, il choisit de laisser faire l'appareil photo et opte pour un dispositif qui met en crise sa propre intervention. Se fondre dans la foule, jusqu'à se laisser absorber par elle. Aller au plus près des visages, jusqu'à se perdre lui-même. Série après série, Kitajimà s'impose comme le grand portraitiste des crises identitaires : les siennes, les nôtres.

Keizo Kitakima a fait l’objet d’une rétrospective au Tokyo Metropolitan Museum : Critical Landscapes en 1993, accompagnée du livre JOY OF PORTRAITS (Edition Nabuhïko Kitamura). De nouveau le travail de Keizo Kitakima a fait l'objet d'une importante rétrospective au Tokyo Metropolitan Muséum of Photography en 2009.

En 2010 sa carrière obtient sa consécration en obtenant le Prix Higashikawa, plus haute récompense japonaise pour un photographe.

Séries

KOZA - OKINAWA / 1975 - 1980

Kèizo Kitajimà se rend à Okinawa pour la première fois en 1975, année de la chute de Saïgon et de la fin de la guerre du Vietnam. Koza est alors le quartier des plaisirs d'Okinawa avec ses bars, ses salles de jeux, de spectacles, ses hôtels de passe et ses night-clubs fréquentés par l'armée américaine. Jusqu'en 1980, Kitajimà revient souvent à Okinawa, fasciné par les dérèglements de la vie nocturne de Koza, les rencontres improbables, les rixes, les dérapages en tout genre et la rencontre frontale entre deux cultures.
En 1980, il expose un mois sur deux son travail, intitulé « Correspondance photographique d'Okinawa », à la galerie CAMP, à Tokyo.

TOKYO / 1979

De janvier à décembre 1979, Kitajimà expose son travail sur Tokyo à la galerie CAMP, avec un format inédit : chaque mois, une nouvelle sélection d'images sature les murs de la galerie, du sol au plafond. La série intitulée Photo Express: Tokyo s'accompagne de la publication d'une brochure mensuelle de 16 pages, numérotée de 1 à 12.
Le mode opératoire s'apparente à celui d'une performance : Kitajimà expose des grilles d'images ou des impressions agrandies, à l'improviste, dans la foulée des prises de vue, presque en « temps réel ». Parfois, il décide de transformer l'espace de la galerie en chambre noire : il projette alors les images directement sur du papier au bromure fixé au mur, puis applique le révélateur et le fixateur à l'aide d'une éponge. Le délai entre les différentes phases de prise de vue, développement, exposition, édition et diffusion se trouve ainsi réduit au minimum. Loin de vouloir matérialiser une intention qui précéderait l'acte de photographier, Kitajimà cherche à produire des images d'une manière mécanique, qui échappe à tout contrôle: l'accident comme mode d'expérience du monde.

NEW YORK / 1981 -1984

Marqué par la lecture du roman de James Baldwin, Another Country et par le film de Martin Scorsese, Taxi Driver ^ Kitajimà se rend à New York en 1981. Il s'enfonce dans les quartiers les plus déshérités de la ville, de l'East Village à Harlem.
Son désir « d'entrer en contact avec quelque chose de toxique, de prendre des photographies qui suinteraient le venin» le poussera à s'aventurer dans les quartiers les plus dangereux, véritables zones de non-droit. Sans cadrer, il capture furtivement ses sujets, utilisant le flash pour souligner le contour de leur silhouette. En neuf mois et deux séjours, il prend 35 000 photographies.
En 1982, il publie le livre New York pour lequel il recevra le 8e Prix Kimura Ihee.

EASTERN EUROPE / 1983 - 1984

En s'immergeant en plein cœur du chaos new-yorkais, Kitajima «ressent clairement la pénombre qui plane sur l'autre côté de l'Atlantique », et peu après son retour au Japon, s'envole pour Berlin où il habitera en 1983-1984, et qui sera son camp de base pour ses pérégrinations en Europe de l'Est.
Cherchant délibérément à mettre à l'épreuve un système de perception instinctif qui « opérait depuis des années presqu'en mode automatique », il isole les personnages de leur contexte, concentrant dans les expressions austères et les attitudes figées toute Pétrangeté de la rencontre. Kitajima ne résout pas l'énigme de ces individus croisés furtivement ; à l'inverse, portrait après portrait, le mystère s'épaissit, le sens s'évanouit et ne reste que la conscience aiguë de son statut d'étranger.

COLOR WORKS / 1986 - 1989

Ces photographies couleur prises à Berlin, New York, Séoul ou Beijing extraient les personnages du territoire auxquels ils appartiennent pour les convertir en entités flottantes, suspendues, autohomes. Hors contexte, ces visages sont désormais privés de leur mémoire, de leur histoire, des individus sans récit. Kitajima se sent l'un d'eux: « Quand je marchais dans les rues de Berlin jour après jour, je ressentais de plus en plus clairement que, depuis le début, je n'étais personne et ne venais de nulle part. »

Ouvrages (sélection)

  • New York : Portrait of a City, de Reuel Golden et Keizo Kitajima
  • New York - Hardcover ( 1988) Keizo Kitajima
  • Stranger than New York (1989) Inuhiko Yomota et Keizo Kitajima
  • A.D. 1991 - Hardcover (1991) Keizo Kitajima
  • Joy of Portraits (1993 )Editions Nabuhïko Kitamura
  • Places - Paperback (2003) Keizo Kitajima
  • Portraits+Places - Paperback (2004) Keizo Kitajima
  • Keizo Kitajima: Back in Okinawa 1980/2009 Paperback (2009) Kitajima Keizo
  • Keizo Kitajima: The Joy of Portraits - (2009) Keizo Kitajima et Shino Kuraishi
  • Photo Express: Tokyo - Paperback ( 2011) Keizo Kitajima

Galerie


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Voir aussi Les films d' Ann ; le cinéma de Nezumi; les Artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Voyages : les merveilles du Japon; Les temples et des montagnes du Népal