Congo Kitoko

Un article de Nezumi.

(Différences entre les versions)

Version du 29 septembre 2015 à 19:28

BEAUTÉ CONGO 1926-2015 CONGO KITOKO, exposition réalisée à la Fondation Cartier pour l'art contemporain en 2015

Commissaire général : André Magnin

Propos

Prenant pour point de départ la naissance de la peinture moderne au Congo dans les années 1920, l'exposition retrace 90 ans de production artistique congolaise. Si la peinture est au cœur de l’exposition, la musique, la sculpture, la photographie et la bande dessinée y ont aussi leur place et offrent au public l’opportunité unique de découvrir la diversité et la vivacité de la scène artistique de ce pays.

Le commissaire André Magnin déclare : « Cette exposition est le fruit du hasard et de la nécessité. Le hasard des contacts entre des hommes, des Congolais et des Européens, séparés par leurs racines, leur culture, et la nécessité d’en suivre le fil tout au long d’une histoire de quatre-vingt-dix ans pour présenter ce qu’ils ont produit : cette somme d’œuvres magistrales, demeurées inconnues pour la plupart, qui témoignent de l’ardeur artistique du Congo, ignorée jusqu’ici. Plusieurs rencontres ont compté pour que soit visible aujourd’hui ce monument artistique. Protagoniste de la dernière en date, bénéficiaire du savoir et des expériences de celles qui ont précédé, je me dois de rendre compte de leurs circonstances et de l’aventure qui, à leur suite, m’a amené à la découverte des profondeurs de l’art congolais. Je prends ici le rôle du rassembleur, à la fois des œuvres et de leur histoire, sans esquiver la passion personnelle qui me le fait tenir. Henri Michaux disait que « toute une vie ne suffit pas pour désapprendre ce que, naïf, soumis, [nous nous sommes] laissé mettre dans la tête » Ces mots résument les raisons impérieuses qui m’ont poussé à aller vers les artistes et à « laisser entrer en moi la beauté polyphonique du monde ».

La quarantaine d'artistes exposés sont Congolais (RDC, autrefois Congo Belge), mais certains sont Angolais.
L'exposition guide le visiteur dans un parcours anti-chronologique, la présentation suivante suit par contre l'ordre chronologique:

Les Précurseurs

En 1926, l’administrateur belge Georges Thiry découvre à Bukama, au Katanga, des cases peintes : il fait alors la connaissance d’Albert Lubaki, ivoirier de métier et auteur de ces peintures, ainsi que de son épouse Antoinette. Soucieux de pérenniser cet art éphémère, Georges Thiry décide de leur fournir du papier et des aquarelles pour retranscrire leurs œuvres sur un support pérenne. Affecté par la suite au Kasaï-Occidental, Georges Thiry y rencontre le tailleur Djilatendo, autre peintre de case, et renouvelle l’expérience menée avec Albert Lubaki.

Avec la complicité du haut fonctionnaire belge et amateur d’art Gaston-Denys Périer, Georges Thiry tente de faire connaître en Europe cet art d’une étonnante modernité. Les aquarelles d’Albert Lubaki sont ainsi présentées en 1929 au palais des Beaux-Arts de Bruxelles, en 1930 à Genève puis en 1931 à Paris. Djilatendo figure, quant à lui, aux côtés des peintres belges René Magritte et Paul Delvaux lors d’une exposition à la Galerie du Centaure de Bruxelles en 1931. D’autres expositions présentant des œuvres de ces deux artistes ont lieu en Europe, notamment l’Exposition coloniale de Vincennes et la Prima mostra internazionale d’arte coloniale de Rome en 1931.

Artistes présentés

  • Djilatendo
  • Albert Lubaki
  • Antoinette Lubaki
  • Paul Mampinda

L'École d'Élisabethville

En 1946, le peintre français Pierre Romain-Desfossés fonde à Élisabethville (aujourd’hui Lubumbashi) l’académie d’Art indigène, plus connue sous le nom d’« atelier du Hangar ». Son objectif n’est pas d’apprendre à ses élèves à peindre à la manière européenne, mais de les encourager à laisser libre cours à leur imagination et à créer en s’inspirant de leurs traditions et du monde qui les entoure. Remarqués dès 1947 à la suite de la visite du prince Charles, régent de Belgique, à Élisabethville, les artistes du Hangar vont bénéficier d’expositions à Bruxelles, Paris, Rome et Londres. En 1952, le MoMA organise une exposition itinérante aux États-Unis lors de laquelle leurs œuvres sont également montrées.

À la mort de Pierre Romain-Desfossés en 1954, l’atelier du Hangar est intégré à l’académie des Beaux-Arts d’Élisabethville, fondée trois ans plus tôt par le peintre belge Laurent Moonens. Pilipili Mulongoy, Mwenze Kibwanga et Sylvestre Kaballa y deviennent professeurs. Ouverte à tous et comptant parmi les premières écoles interraciales du Congo belge, l’académie propose des formations en dessin, architecture, céramique, peinture et sculpture.

Artistes présentés

  • Bela Sara
  • Norbert Ilunga
  • Sylvestre Kaballa
  • Kabeya
  • Raphaël Kalela
  • Jean-Bosco Kamba
  • Mwenze Kibwanga
  • Oscar Kilima
  • Pilipili Mulongoy
  • Mode Muntu

Portraits de Kinshasa

Après la Seconde Guerre mondiale, l’administration belge met en place des réformes administratives, culturelles et sociales qui mènent à la modernisation de Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa), métropole cosmopolite alors en pleine effervescence.

Le portrait photographique devient à cette époque une manière de s’affirmer socialement et les studios photo se multiplient, tenus pour la plupart par des Européens ou des Angolais. Originaire d’Angola, Jean Depara s’installe à Léopoldville en 1951 et découvre la richesse de sa vie nocturne en fréquentant les bars à la mode et les boîtes de nuit animées par les rythmes de la rumba et du cha-cha. En 1956, il ouvre son propre studio, Jean Whisky Depara, avant de se consacrer pleinement à la photographie de reportage un an plus tard. Il se fait le témoin du bouillonnement de la société léopoldienne et capture sur le vif des scènes de rue ou les sorties de boîtes de nuit. Il devient également le photographe attitré du chanteur Franco et le portraitiste des Bills, bandes de jeunes Congolais des quartiers populaires s’identifiant aux acteurs des westerns américains.

D’origine angolaise également, Ambroise Ngaimoko ouvre en 1971, à Kinshasa, le Studio 3Z. Il y réalise principalement des photos-souvenirs de jeunes Kinois – athlètes ou sapeurs – auxquels il fournit les accessoires et le décor pour se mettre en scène. Reporter pour l’hebdomadaire Zaïre ainsi que pour les quotidiens Le Progrèset L’Étoile du Congo, Oscar Memba Freitas se fait connaître grâce à ses photographies d’événements sportifs, notamment celles du combat de boxe qui opposa Muhammad Ali à George Foreman à Kinshasa en 1974. Des photographies anonymes illustrent le Festival 74, événement musical promotionnel qui accompagna ce combat historique.


Artistes présentés

Les Peintres populaires

Dans les années 1970, de jeunes artistes de la scène kinoise se proclament « peintres populaires ». Ils débutent pour la plupart en peignant des enseignes publicitaires ou en réalisant des bandes dessinées, puis s’installent dans les rues passantes de Kinshasa et exposent leurs toiles sur les façades de leurs ateliers afin qu’elles soient visibles de tous.

La première génération de peintres populaires, dont Moke, Pierre Bodo, Chéri Chérin et Chéri Samba font partie, est révélée au public grâce à l’exposition Art partout (1978) à l’académie des Beaux-Arts de Kinshasa, lors de laquelle ils « volent » la vedette aux artistes issus de l’académie. Contrairement à ces derniers, qui puisent leur inspiration dans la tradition européenne, les peintres populaires s’inspirent de la vie quotidienne à Kinshasa et abordent des questions politiques, sociales ou relatives aux actualités du monde. Hauts en couleur et peints de manière franche et spontanée, leurs tableaux comportent parfois des textes mêlant humour et dérision qui renforcent la portée sociale des images.

Artistes présentés

La Jeune Génération

Au début des années 2000, l’académie des Beaux-Arts de Kinshasa devient un lieu d’ouverture, propice à de nouvelles expérimentations artistiques, facilitant ainsi l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes sur la scène artistique congolaise.

Kura Shomali, Pathy Tshindele et Mega Mingiedi Tunga participent en 2003 à la création du collectif Eza Possibles (« c’est possible » en lingala), dont les projets artistiques sont en prise directe avec les citadins et interviennent de manière critique dans l’environnement de Kinshasa. Sammy Baloji utilise le photomontage pour confronter l’histoire coloniale belge à l’histoire contemporaine du Congo. Pour la série Congo Far West, il associe des photos d’archives d’une expédition scientifique belge au Katanga (1898-1900) à des aquarelles du peintre belge Léon Dardenne (1865-1912) afin de révéler le regard condescendant que les explorateurs posaient sur les peuples indigènes.

Artistes présentés

Galerie

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Chéri Samba,
Autoportrait



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Pierre Bodo

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Kura Shomali

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Jean Depara

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