Boltanski 2010

Un article de Nezumi.

Au premier trimestre 2010, Christian Boltanski présente deux expositions majeures Monumenta 2010, Personnes au Grand Palais et Après au Mac/Val.

Ces deux expositions s'inscrivent dans l'œuvre globale de l'artiste qu'il définit comme une constellation qui révèle en même temps une infinité de problèmes, sans avoir jamais la prétention de vouloir les résoudre. On pourrait dire que ses travaux n'ont pas d'histoire propre, mais qu'ils inventent sans cesse leur propre géographie.

Selon sa propre expression, il s'agit de fusionner "les arts visuels qui sont un art de l'espace et le théâtre qui est un art du temps? Pour ce projet, j'essaie de combiner les deux afin de créer une progression. On n'est plus devant quelque chose, mais plutôt dans quelque chose. C'est ce qui m'intéresse aujourd'hui".
Il met ainsi en scène ses installations à la manière des tableaux d'une pièce de théâtre. Comme un créateur de théâtre, il souhaite que ces deux dispositifs puissent être reproduits, "rejoués", comme une pièce classique du répertoire. Pour appuyer cette demande, il précise que, dans ces deux expositions, dont il est l'auteur et le metteur en scène, il n'a pratiquement rien "fait" de ses mains, tout en travaillant aux consignes, au cahier des charges. Dans l'avenir et même après sa mort, il serait ainsi possible de refaire ces installations, tout en se pliant à un nouveau lieu et une nouvelle sensibilité du "metteur en scène".

En parallèle, Christian Boltanski continue ses enregistrements des battements de cœur du projet Les Archives du cœur et et installe des cabines aussi bien au Grand Palais qu'au Mac/Val .

Déclarations

Christian Boltanski déclare  : Les deux expositions sont liées. Pour moi, elles sont un peu comme les cercles de l'enfer chez Dante : au Grand Palais, il y a la mort, l'absence et la destinée humaine symbolisée par la pince qui saisit, au hasard, des tas de vêtements usagés. Cette scénographie renvoie à "la main de Dieu", qui dispose de la vie, et est accompagnée par le son puissant de battements de cœur amplifiés sous la nef du Grand Palais.

Le vêtement dit : il y a eu. Sans doute avec l'âge, j'ai aujourd'hui 65 ans, la mort imprime mon temps et mes pensées. Et je ne cesse de penser au hasard, avec cette question, absurde, inexpliquée : pourquoi, moi, je suis encore vivant ? Et pourquoi mon voisin est-il mort ? Il n'y a aucune règle à tout ça, et cette chose m'obsède.

Ma vie et mon œuvre ont été très marqués par la Shoah, et je crois que tous les survivants de la Shoah n'ont cessé de se poser la question : pourquoi j'ai survécu ?

Je veux que cette exposition, ouverte à tous, et non aux spécialistes de l'art contemporain, puisse émouvoir et évoquer le drame de la vie qui inclut la mort dans son chemin. Au Mac/Val, c'est plus doux, il fait plus chaud, avec un labyrinthe de blocs noirs, que l'on découvre, et des personnages que j'ai fabriqués et qui posent des questions aux visiteurs : "Comment es-tu mort ?", "Est-ce que tu as beaucoup souffert ?", "As-tu laissé un amour ?"...

Monumenta 2010: Personnes au Grand Palais

Pour la troisième édition de Monumenta, Christian Boltanski signe "Personnes", du 13 janvier au 21 février 2010, une installation qui évoque le drame de la vie et l'obsession de l'artiste marqué par la Shoah. Bien que sa famille, moitié catholique et moitié juive n'ait pas été directement frappé par la Shoah, les amis ses parents ont été durement touchés et son enfance s'est déroulée dans une ambiance angoissante.

En plein hiver, Boltanski a exigé l'absence totale de chauffage et c'est en plein froid que le spectateur découvre "Personnes", une œuvre forte, visuelle et sonore, entièrement composée de vêtements, à l'exception du mur de boites métalliques qui sert de sas d'entrée. Les uns gisent au sol, dans 69 carrés parfaitement alignés et sonorisés chacun par des battements de cœur extrait du projet Les Archives du cœur. C'est en cela que cette exposition est plus la mémoire de chaque individu qu'une mémoire collective.

Les autres sont entassés et forment une montagne de tissus, dont quelques pièces sont saisies par une pince mécanique montée sur une grue, puis relâchées au hasard. Boltanski avoue avoir été influencé par l'"attrape-nigaud" des fêtes foraines, où une petite grue aveugle tente sans beaucoup d'espoir de ramener des cadeaux dérisoires, attraction devant laquelle il avoue avoir passé du temps dans sa jeunesse.

Christian Boltanski déclare : " Le Grand Palais ressemble à un hangar ou à une usine. Le premier nom de l'exposition était "No man's land" parce que je me disais qu'ici on est un peu nulle part. Finalement, même si le corps n'est jamais à proprement montré, on voit tous ces vêtements étalés par terre, éclairés par des néons positionnés volontairement assez bas, qui évoquent beaucoup de monde ! Le mot "Personnes", au pluriel, désigne à la fois tout le monde, l'humanité et quelqu'un en particulier, un parent, un proche du visiteur ou de moi-même... Je vois le Grand Palais comme une église dédiée à l'errance des âmes."

Pour Boltanski, cette installation figure "l'indifférence de Dieu" , il rajoute même "pour moi Dieu est un grutier"

Après au Mac/Val

Invité par Alexia Fabre, Conservateur en chef, Christian Boltanski met en scène au MAC/VAL Après du 15 janvier au 28 mars 2010. Ce travail incite le public à faire l'expérience d'un monde imaginaire, celui de l'au-delà.

Pour son installation au MAC/VAL, Christian Boltanski réussit à transformer radicalement l'espace de l'art en un terrain de jeu inquiétant, proposant au public de passer littéralement de l'autre côté, pour faire l'expérience improbable de cet " Après ". Une foule d'anonymes défile avec empressement sur les trois rideaux menant à la salle d'exposition; dès qu'un visiteur les pénètre, ces images se figent. Grâce à un parfait contrôle des moindres détails et à l'élimination de toute lumière naturelle, le public découvre l'installation et devient spectateur-acteur d'une troublante ville fantôme. Au gré de ses déambulations, il est amené à faire d'étranges rencontres. Ombres parmi les morts, les hommes qui marchent de Christian Boltanski posent éternellement les mêmes questions:

Et toi, comment es-tu mort ? As-tu beaucoup souffert ?... ".
Bien loin d'apporter des réponses, ces énigmes font jaillir de nouvelles questions qui enveloppent à leur tour le visiteur dans un univers tantôt absurde et grave, tantôt burlesque.

Après, 2009

Voir aussi Les films d' Ann ; le cinéma de Nezumi; les Artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Voyages : les merveilles du Japon; Les temples et des montagnes du Népal